Histoire du soldat (Culturocopia)



https://culturotopia.com/2018/01/06/histoire-du-soldat/

De Stravinsky, le grand public retient pour l’essentiel ses deux œuvres emblématiques :L’oiseau de feu (1910) et Le Sacre du Printemps (1913). Ces deux ballets créés à Paris, d’une modernité affolante pour l’époque, lui valurent un succès immédiat doublé d’un scandale. La musique rejetant les grandes envolées du XIXème siècle français et la chorégraphie avant-gardiste de Nijinski ont enflammé le public. Sa rencontre en 1915 avec l’auteur suisse Ramuz donnera naissance en 1918 à Histoire du soldat, un conte cruel inspiré de la tradition russe. Le Théâtre de Poche-Montparnasse nous offre une reprise du spectacle présenté avec succès au printemps dernier. Seul le rôle principal a été changé et confié aux soins du juvénile Julien Alluguette.
Alors qu’il rentre chez lui pour une permission de 15 jours, le soldat fait la rencontre du Diable qui lui propose un échange banal en apparence : son violon de dix sous contre un livre contenant le savoir. Le soldat ne saisit pas qu’il échange son âme et ce n’est qu’en découvrant qu’il est mort aux yeux de ses proches qu’il le réalisera. Il va alors tenter de mettre en échec Satan.
Sur scène, un petit orchestre vêtu en soldat interprète les notes du compositeur. Quatre personnages se partagent l’espace qui figurent tantôt une plaine, tantôt une pièce où on joue au carte. Les comédiens miment et suggèrent, l’imagination du spectateur fait le reste. Côté Cour, le narrateur (Claude Aufauge) figure l’auteur de l’histoire. De sa voix ensorcelante, le comédien aguerri nous transporte et nous plonge immédiatement dans cet imaginaire infiniment slave. Il sera question de bonheur, du temps qui passe, d’amour, de ce qu’on peut (ou non) avoir. La scénographie de Stéphane Druet fait appel à l’intelligence du spectateur pour voir ce qui n’est pas sur scène. La vive émotion du spectacle peut alors s’insinuer en chacun et se diffuser au fur à mesure de la pièce. On est comme saisi par la scène pour n’être relâché qu’au terme d’une heure où nous aurons partagé les émotions du soldat. Une scène de danse vient parachever le soin apporté à la mise en scène. Cette parade nuptiale réglée au cordeau apporte une poésie supplémentaire au spectacle qui n’en manquait pas.
Pour que l’empathie du public soit complète, il fallait un acteur attachant pour incarner le soldat victime du mal. Julien Alluguette est le comédien idéal. Il dégage une aura sur scène qui irradie le spectateur. Il captive et inspire immédiatement la sympathie. Il ne cesse jamais d’incarner son personnage et son duo avec le diable (Licinio Da Silva) est crédible à chaque instant. Licinio Da Silva incarne, d’ailleurs, un diable tout en malice et en vices. Il amuse autant qu’il effraie.
Histoire du soldat est une belle façon de commencer l’année 2018. Il offre une palette d’émotions pures que seul le théâtre musical peut offrir. La mise en scène très élaborée (tant elle est simple et efficace) de Stephane Druet sert à merveille l’œuvre de Ramuz et Stravinsky. Encore une fois, le Théâtre de Poche-Montparnasse offre un spectacle raffiné, intense, bouleversant et accessible à toute la famille. Les enfants y trouveront un conte merveilleux quoique cruel, les parents y trouveront une réflexion pertinente sur les grandes questions qui habitent chaque être humain. Immanquable.
---J

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