Rimbaud-Verlaine : ivresse, amour et volupté


Rimbaud-Verlaine : ivresse, amour et volupté


Actuellement au Théâtre de Poche, se joue la pièce Rimbaud-Verlaine, éclipse totale de Christopher Hampton. C’est un peu par hasard que je me suis rendue à cette représentation, attirée en grande partie par le prix de 10€ la place ! C’est dans une petite salle au sous-sol, dans une atmosphère très intimiste que l’on découvre cette adaptation de Didier Long. Présentée pour la première fois au Festival d’Avignon dans de toutes autres conditions, le metteur en scène qui joue aussi le rôle de Verlaine a dû s’adapter. Ce qu’il a réussi de main de maître.
La mise en scène est très minimaliste. Les acteurs jouent au même niveau que le public si bien que l’on se sent intégré à la scène. Le décor se résume à de simples panneaux noirs, une table et des marches… Seuls les jeux de lumière et de sons nous indiquent le https://i1.wp.com/www.theatredepoche-montparnasse.com/wp-content/uploads/2016/12/AFF-RIMBAUD-VERLAINE.jpglieu, le moment et créent les ambiances. Les acteurs font le reste et avec brio. A eux trois, Julien AlluguetteDidier Long et Jeanne Ruff donnent vie et corps aux personnages de RimbaudVerlaine et son épouse Mathilde. Ils occupent la scène par un jeu subtil et puissant. La passion des célèbres poètes avec tout ce qu’elle a d’ambiguë et de terrible est incarnée par ces jeunes comédiens.
Si Didier Long est exclusivement du monde du théâtre, Alluguette et Jeanne Ruff jouent aussi au cinéma ou à la télévision. Jeanne Ruff est connue pour son second rôle dans Jeune et Jolie primé à Cannes et Julien Alluguette a joué dans de nombreux téléfilms et a été deux fois nominés aux Molières ! Le casting exceptionnel, l’ambivalence et le talent des acteurs font vibrer le spectateur et lui font croire en ces personnages qu’il connaît bien… ou croit connaître… Il leur découvre de nouvelles facettes, une richesse intérieure, des paradoxes. Parfois il les déteste, ces personnages odieux incapables de prendre une décision, violents, vulgaires et hypocrites, mais l’affection l’emporte… La compassion et l’humanité… Leurs défauts les rendent si humains. L’amour avec toutes ses contradictions leur donne l’épaisseur de la vie.
La pièce débute par la rencontre entre les trois protagonistes. Rimbaud arrive chez Verlaine qui est logé par son beau-père, le père de Mathilde. Il répond à l’invitation express de Verlaine qui a lu ses poèmes et voit en lui l’avenir de la poésie française voir mondiale. Du haut de ses 17 ans, Rimbaud déboule sur scène en guenilles, désinvolte, face à Mathilde enceinte et de blanc vêtue… Son épaisse chevelure blonde glisse le long de son échine. Elle semble telle une fée face à un farfadet.
Arrive alors Verlaine, propre sur lui en habit de bon bourgeois du XIXe siècle. Il a cherché le jeune Rimbaud partout à la gare mais ne l’a pas trouvé. La scène de la rencontre oppose déjà de façon flagrante les trois personnages mais surtout fait de Mathilde le pendant de Rimbaud, les deux choix opposés auxquels Verlaine va devoir faire face mais qu’il ne saura jamais réellement départager. Le reste de l’histoire nous la connaissons bien sûr : une liaison interdite va naître entre Rimbaud et Verlaine, un amour qui se nourrit d’art et nourrit l’art aussi.
Rimbaud fait débuter leur relation par cette sentence : « Quand nous aurons tiré l’un de l’autre le meilleur, nous nous séparerons et nous poursuivrons chacun notre route ».  Rimbaud sait quoi dire, Verlaine sait comment… Complémentaires donc opposés, leur relation n’est que violence et passion… Mathilde, de son côté, tente de garder le père de son enfant auprès d’elle… Mais que peut elle faire, elle qui n’a que son corps comme argument ? En effet, Verlaine n’aime que cela chez elle… Cette femme n’est qu’un corps pour lui avec qui il couche quand il veut de la tendresse et qu’il frappe quand il en a marre de sa vie, quand la violence de sa condition d’homme lui est insupportable. Oui, il est faible, oui, il est violent. Rimbaud l’est aussi, il croit tout savoir, il est orgueilleux.
Ce sont des hommes avec des défauts qu’on nous donne à voir mais qui n’en sont que plus humains : ce ne sont pas les Artistes, poètes, ces espèces de demi-dieux, personnages pantomimes que nous connaissons à travers les cours de français du lycée et la culture générale.  Non ! Ce sont les hommes, imparfaits et plein de doutes que cette pièce nous dévoile. Et pour la première fois de ma vie j’ai pleuré au théâtre comme un enfant pleurerait face à tant de souffrance, de dilemmes et d’amour.
A Voir Absolument au Théâtre de Poche à Montparnasse du mardi au samedi à 21h!

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